Pourquoi l'allergie alimentaire progresse-t-elle chez les plus jeunes ?

L’allergie alimentaire concerne de plus en plus de consommateurs. La violence des réactions est elle aussi en augmentation et les plus jeunes sont particulièrement concernés. Le Pr Christophe Dupont, chef du service de néonatalogie à l’hôpital Saint Vincent de Paul à Paris, a fait le point sur cette problématique à l’occasion du lancement de la gamme de repas sans allergènes Gayelord Hauser.

Publié le 01 décembre 2017

Pourquoi l’allergie alimentaire progresse-t-elle chez les plus jeunes ?

L’allergie alimentaire de l’enfant est-elle de plus en plus fréquente ?

Pr Christophe Dupont : Incontestablement, on le constate dans les pays développés. Entre 1997 et 2011 sa prévalence a augmenté de 4,4 % à 5,1 % aux Etats-Unis ; quant aux hospitalisations pour choc anaphylactique, elles sont passées entre 1997 et 2005 de 8 à 16 pour 100.000 en Australie.

A-t-on une explication face à cette recrudescence ?

CD : Outre le terrain atopique, on constate que notre environnement occidental est délétère comme le montre l’apparition  d’une allergie alimentaire chez les migrants venant d’Afrique ou d’Asie qui en étaient jusque-là indemnes.

Un important élément nouveau est la découverte du rôle capital de la peau. En cas d’eczéma atopique, la peau altérée devient plus perméable et laisse passer les allergènes qu’on trouve dans l’environnement, notamment dans une cuisine. Un enfant de 1 an ayant un eczéma a alors 6 fois plus de risque d’avoir une allergie aux œufs et 11 fois plus à l’arachide.

Le microbiote joue-t-il un rôle ?

CD : Il est sûrement protecteur. Le bébé naît avec un intestin stérile, mais il l’ensemence dès les premières minutes de vie en ingérant, lors de l’accouchement, le microbiote vaginal de sa mère. A tel point que chez les bébés qui naissent par césarienne, on fait des études cliniques destinées à voir le bénéfice éventuel de leur donner un microbiote maternel en leur tamponnant les divers orifices avec une compresse imprégnée de la flore vaginale de leur mère.

L’allaitement a-t-il un rôle protecteur contre l’allergie alimentaire ?

CD : En France, seuls 66 % des bébés sont allaités à la naissance et 40 % à leur 11e semaine, on ne peut que le regretter. Il faut allaiter les bébés pour plein de raisons. Néanmoins dans le domaine de la prévention de l’allergie alimentaire, il n’est pas prouvé que cela ait un effet positif déterminant, même si les publications donnent des résultats discordants.

Vaut-il mieux mettre en contact précocement les bébés avec les allergènes ?

CD : L’étude israélienne LEAP (Learning Early About Peanut allergy) a montré que l’introduction précoce de l’arachide (avant 6 mois) pouvait diminuer le risque d’apparition ultérieure d’allergie à cet oléagineux. Mais il s’agit d’une étude unique à ce jour. D’autres tentatives avec l’œuf montrent parfois des résultats inverses. Il est important d’attendre le résultat d’autres travaux qui confirmeront ou non ce bénéfice de l‘introduction précoce. Aujourd’hui les recommandations sont de commencer à introduire les allergènes en même temps que la diversification alimentaire, c’est-à-dire après 4 mois.

Comment explique-t-on la diminution ou la disparition de certaines allergies alimentaires chez l’enfant avec le temps ?

CD : Chez l’enfant, l’allergie aux protéines du lait de vache diminue vers 2 ans et vers 3-4 ans pour l’œuf. Il est possible que ceci ait un lien avec la régression de l’altération cutanée par la guérison fréquente de l’eczéma à cet âge.

Peut-on efficacement faire une désensibilisation à un allergène ?

CD : Oui, soit par introduction de faibles doses progressives de l’allergène par voie orale ; soit par voie épicutanée où l’allergène est mis sur un patch. Les premières améliorations apparaissent au bout d’un an et au bout de 2-3 ans il est possible de tolérer des quantités plus ou moins importantes de l’aliment ; ou du moins il ne risque plus de faire de faire un choc anaphylactique potentiellement mortel, ce qui est déjà essentiel.

Y a-t-il encore beaucoup d’inconnues dans le domaine de l’allergie alimentaire ?

CD : Oui, on comprend mal pourquoi chez l’adulte une sensibilisation à un allergène alimentaire (crustacés, poissons, coquillages par exemple) apparaît soudain à l’âge de 30-40 ans.

De même l’allergie se définit comme une affection IgE dépendante ; pourtant il y a d’authentiques allergies (prouvées par des tests d’éviction-réintroduction de l’aliment) où l’on ne retrouve pas d’IgE aux prises de sang et dont les tests cutanés sont négatifs. On n’a pas d’explication à l’heure actuelle.

 

 

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